Les petites communautés d’Israël

Elles sont ethniques ou religieuses et ne comptent parfois que quelques centaines de personnes. Ces communautés complètent pourtant la mosaïque de la société israélienne, même si leur influence est limitée.

 

Les Samaritains

Ils sont les seuls à afficher une ancienneté locale. Les Samaritains, ou Shomronim en hébreu, portent le nom de la région où ils sont établis, la Samarie. Ils sont mentionnés dans la Bible au Livre 2 Rois (chapitre 17, versets 29 et 34 à 40), ou encore au Livre d’Esdras (chapitre 4, versets 2 à 9), comme issus de populations d’origine étrangère, dont le déplacement aurait été ordonné par Salmanasar V, roi d’Assyrie pour repeupler la région de Samarie, après qu’il avait détruit le royaume d’Israël et dispersé les dix tribus, au 8ème siècle avant l’ère commune, et de deux autres déplacements de populations au siècle suivant. Ils sont décrits comme des idolâtres ayant adopté le monothéisme, tout en conservant une partie de leurs rites païens.

Les Samaritains se revendiquent quant à eux comme les détenteurs du vrai judaïsme. Ils reconnaissent la Loi écrite, mais pas au-delà du Pentateuque. Le Mont Garizim, en Samarie est leur lieu saint, sur lequel ils avaient édifié leur temple. Les Samaritains se définissent comme les descendants des tribus d’Ephraïm, de Menaché et de Lévi. Ils attribuent au Mt Garizim d’être le lieu du déroulement des principaux épisodes bibliques, celui de la bénédiction divine, du site de la ligature d’Isaac, du point de départ de l’Arche de Noé ou de la rencontre d’Adam et Eve. Ils revendiquent sa centralité contre celle de Jérusalem et y effectuent trois pèlerinages par an, à Pessah, Shavuot et Succot.

Les Samaritains aujourd’hui ont pour particularité d’être à la fois des citoyens israéliens et des résidents de l’Autorité Palestinienne. Certains disposent également d’un passeport jordanien, survivance de l’époque où la Samarie était occupée par la Jordanie, entre 1949 et 1967, et où leur communauté protégée par le roi Hussein. Selon son propre recensement, la communauté samaritaine compterait actuellement un peu plus de 800 personnes, réparties en quatre familles.

Les Samaritains sont regroupés dans la ville de Holon en Israël, dans le quartier de Neveh Pinhas, et dans le village de Kyriat Luza, sur le Mont Garizim, près de la ville palestinienne de Naplouse, en Samarie, au nord de la Cisjordanie.

La communauté samaritaine est dirigée par le Grand Prêtre, dont la fonction revient au doyen de la famille des Lévi. Selon la tradition samaritaine, le titre est resté dans la même lignée depuis 134 générations, c’est-à-dire depuis Aaron. Le Grand Prêtre détient l’autorité religieuse et juridique de la communauté.

La synagogue est le lieu principal de la pratique religieuse. Les fidèles se déchaussent avant d’y pénétrer. La prière se déroule debout ou assis à même le sol sur des tapis. Elle est conduite par un prêtre et un chantre. Les fidèles prient en direction du Mt Garizim.

Les langues utilisées par les Samaritains sont l’hébreu, l’arabe, l’hébreu ancien et l’araméen. La communauté qui vit à Holon est totalement israélienne dans son mode de vie. Les jeunes gens arrivés à l’âge de la conscription font leur service militaire. Ils bénéficient toutefois d’allègements spécifiques, accordés par l’Aumônier général de Tsahal, pour leur permettre de servir près de leur domicile et de bénéficier de permissions pour leurs fêtes. Les jeunes de la famille des prêtres sont exemptés. Quant aux jeunes des familles qui résident au Mont Garizim, en territoire autonome palestinien, ils ne sont pas astreints au service dans Tsahal, de façon à ne pas susciter de frictions avec la population et le régime palestiniens. Les intifada des années 80 et des années 2000 avaient d’ailleurs posé des problèmes pour leur sécurité physique, ce qui explique qu’ils ne résident plus à l’intérieur de la ville de Naplouse, mais dans sa périphérie.

 

Les Caraïtes

Leur communauté est plus importante que celle des Samaritains. Ils sont citoyens israéliens et considérés comme Juifs par l’Etat. Leur population actuelle est d’environ 40.000 personnes. Ils résident principalement dans plusieurs villes du sud de la plaine côtière et de l’ouest du Néguev, à Ramleh et Ashdod, et dans les mochavs de Ranen et Matsliah. Il subsiste également une synagogue caraïte dans le quartier juif de la vieille ville de Jérusalem, ainsi qu’un cimetière caraïte à l’extérieur des murailles.

Citoyens israéliens à part entière, leurs droits et obligations ne se distinguent pas de ceux des autres citoyens juifs, notamment en ce qui concerne le service militaire obligatoire. Les Caraïtes ne sont pas reconnus comme communauté religieuse distincte du reste de la communauté juive israélienne. Pourtant, une jurisprudence de la Cour Suprême d’Israël de 2014 a statué en faveur de la compétence de leurs juridictions, tant que leur statut n’aura pas été définitivement fixé par le législateur israélien. Donc, les tribunaux caraïtes sont compétents pour les questions de statut personnel, de même que la communauté a compétence pour certifier ses propres règles de cacherout, encore selon un arrêt de la Cour Suprême, qui leur a donné raison contre les institutions rabbiniques orthodoxes.

Le judaïsme caraïte serait né au VIIIème siècle de l’ère commune, en réaction à l’influence rabbinique. Les Caraïtes en Israël sont principalement originaires d’Egypte, immigrés en Israël dans les années 50. Quelques-uns viennent aussi d’Irak, de Turquie et de Russie.

Le judaïsme caraïte est fondé quasi-exclusivement sur la loi écrite (Mikra) et ne reconnait pas la loi orale, ni donc l’autorité des rabbins. Les Caraïtes parlent d’ailleurs de « judaïsme rabbinique » pour distinguer le courant majoritaire du judaïsme. Les Caraïtes considèrent qu’il ne faut rien ajouter ni retirer à la Torah. Toutefois et dans ces limites, ils considèrent comme légitime l’interprétation individuelle des textes.

Ils ne connaissent ni ne célèbrent les fêtes postbibliques, telles que Hanoukka. Leur calendrier est légèrement différent du calendrier hébraïque rabbinique, notamment sur le calcul du début du mois. Les lois de pureté sont extrêmement importantes dans la pratique du culte et l’ablution des mains est obligatoire avant d’entrer dans la synagogue. Comme chez les Samaritains, la synagogue n’a pas de bancs, sauf pour les plus âgés. La prière se déroule debout ou prosterné, à la manière des musulmans. Les femmes ont une place plus égalitaire que dans le judaïsme traditionnel. Elles sont également astreintes aux commandements et peuvent être par exemple chargées de l’abattage rituel (comme chez les Juifs d’Ethiopie).

La communauté est présidée par un Grand Sage, élu par le Conseil religieux de la communauté pour une durée de quatre ans renouvelable. Il est notamment habilité par décision du Premier ministre à célébrer des mariages, à prononcer et enregistrer des divorces et il préside le tribunal caraïte.

 

La communauté caraïte a de plus en plus tendance à se fondre dans la communauté juive majoritaire. Les mariages se font de plus en plus en dehors de la communauté et les plus jeunes se rapprochent des synagogues orthodoxes et de la pratique dominante, en particulier pour la célébration des fêtes, afin de s’aligner sur le calendrier officiel. Cette dilution du judaïsme caraïte est encouragée, au moins passivement, par les instances rabbiniques. Les Caraïtes ne reçoivent d’ailleurs pratiquement aucun budget  public pour le fonctionnement de leurs institutions.

 

Les Circassiens

C’est la seule autre ethnie non arabe avec les Druzes, à être reconnue par l’Etat d’Israël. Les Circassiens (Tcherkessim) sont des musulmans sunnites, citoyens israéliens. Ils sont originaires du Caucase et sont dans l’empire ottoman et notamment en Palestine, à l’issue de la guerre de Crimée à la fin des années 1860, alors qu’ils fuyaient les persécutions de l’armée russe. Durant la guerre d’Indépendance, ils ont conservé de bonnes relations avec leurs voisins juifs et ont refusé de prendre part aux combats menés par les Arabes. En juillet 1948, au cours de l’opération « Dekel » de la prise de la Galilée, les Circassiens ont ouvertement combattu aux côtés des soldats de Tsahal, au sein de leurs propres unités, comme l’avaient fait les Druzes.

Les Circassiens forment aujourd’hui une population d’environ 4.800 personnes regroupées dans deux localités du nord d’Israël : Kfar Kama en Basse-Galilée, qui compte 3.300 habitants et Rihania en Haute-Galilée, qui en compte environ 1.500. Chaque agglomération abrite une tribu spécifique. L’enseignement est dispensé en hébreu, l’enseignement religieux en arabe et les enfants apprennent aussi l’adyguéen, la langue traditionnelle circassienne.

Les Circassiens sont astreints au service militaire. Aujourd’hui, ils servent dans toutes les unités de l’armée, sans distinction. Même s’ils se considèrent toujours en exil de leur terre d’origine, ils sont traditionnellement fidèles au pays qui les accueille et considèrent de leur devoir de le défendre. Leurs rites et coutumes sont restés ceux pratiqués dans le Caucase. Ils ne se mêlent pas aux communautés arabes. La préservation de leur culture a connu un nouvel élan avec l’immigration des Juifs de l’ex-URSS, originaires du Caucase.

 

Les Bahaïs

Fondée en Perse il y a deux siècles, la foi Bahaï s’est historiquement établie à Acre, à la fin des années 1860, quand son fondateur, Mirza Hussein Ali Nuri, s’y retrouve exilé et emprisonné par l’empire ottoman.  C’est là que celui qui devient Baha Allah, (« splendeur de Dieu ») jette les bases de sa nouvelle religion. C’est aussi là qu’il est enterré. Sa sépulture est devenue un sanctuaire. Son fils lui succède et établit à Haïfa, sur le Mont Carmel,  le siège du mouvement. Depuis, la secte s’est considérablement développée et revendique quelque cinq millions de fidèles dans près de deux cents pays. En Iran, les Bahaïs seraient environ 300.000 où ils sont toujours persécutés par le régime.

En revanche, la secte Bahaï a été reconnue comme communauté religieuse par le gouvernement israélien, par un décret de 1971. La communauté en Israël est essentiellement constituée de quelques centaines de résidents étrangers, permanents ou bénévoles et leurs familles. On les trouve dans leurs trois centres d’activité : à Haïfa, à Acre et à Naaryia. Sur les ordres du fondateur du mouvement, le prosélytisme, base du culte, devait s’exercer partout, sauf en Israël. La religion bahaïe est monothéiste. Elle intègre et emprunte aux trois religions monothéistes, mais aussi au bouddhisme et au zoroastrisme.

Connue pour ses jardins et monuments qui surplombent la ville de Haïfa et qui ont été inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008, la communauté bahaïe y dispose d’un domaine qui abrite toutes ses institutions. Elle y reçoit la visite de dizaines de milliers de fidèles  venus du monde entier, tout au long de l’année. Le site attire également les touristes. Différents accords ont été passés entre la communauté et l’Etat d’Israël, par lesquels les Bahaïs s’engageaient à investir dans les travaux d’aménagement du site. L’afflux de pèlerins bénéficiant aux  deux parties, à la secte pour son influence et à Israël pour les entrées de devises et l’essor de son secteur touristique.

 

 

 

Pascale ZONSZAIN, journaliste. Couvre l’actualité d’Israël et du Proche-Orient pour les médias de langue française. Auteur de nombreux reportages et enquêtes sur les sociétés israélienne et palestinienne.