« Les chrétiens israéliens ont une identité complexe »

Le Dr. Amnon Ramon, chercheur au Jerusalem Institute for Policy Research connait bien les communautés chrétiennes d’Israël. Peu pratiquants, les chrétiens tiennent pourtant à préserver leur identité religieuse.

 

Propos recueillis par Pascale Zonszain

Menora.info : Quelles sont les principales communautés chrétiennes d’Israël ?

Amnon Ramon : Les communautés sont évidemment nombreuses, mais on peut en citer les cinq principales par ordre d’importance. D’abord la communauté grecque catholique, que l’on appelle aussi melkite. On la trouve principalement dans le nord d’Israël. C’est la plus importante en Israël à l’intérieur des frontières de 1948. Ensuite, vient la communauté grecque orthodoxe arabe. La troisième est la communauté latine, catholique romaine. Puis la communauté maronite, elle aussi établie en Galilée et qui comprend également en son sein les Libanais qui ont quitté le Liban après le retrait de Tsahal et le démantèlement de l’Armée du Liban Sud, alliée d’Israël. Il existe aussi une très petite communauté anglicane épiscopale. On peut encore ajouter dans la région de Jérusalem la communauté arménienne, qui est une communauté non arabe. Enfin, deux autres communautés : les Coptes et les Ethiopiens. Sont également représentées de petites communautés protestantes, comme les Baptistes. Auxquelles on ajoutera les missions étrangères de différents ordres religieux chrétiens.

Quel est le niveau de religiosité des Chrétiens israéliens ?

Les quatre principales communautés arabes que j’ai mentionnées sont les plus sécularisées. C’est un processus qui a débuté au XIXe siècle. Pour certaines d’entre elles se pose d’ailleurs la question de l’identité chrétienne dans leur identité arabe. Une identité complexe et composite. Mais cela varie d’une communauté à l’autre et même d’un individu à l’autre. D’une façon générale, on peut dire que leur niveau de religiosité n’est pas très élevé. Pour certains la fréquentation des églises est très faible. Elle peut même parfois se résumer au baptême et aux funérailles. Mais les chrétiens ne se lient pas aux autres religions. Il peut y avoir des mariages entre des membres d’églises différentes, mais pas avec des Arabes musulmans par exemple.

Vous parlez d’identité complexe. Quelle est la part de l’identité arabe de ces chrétiens ?

Ils sont perçus comme différents par les Musulmans. Mais la perception par ces chrétiens de leur identité arabe et de leur identité religieuse n’est pas nécessairement contradictoire. Si l’on met à part les Araméens, dont une partie appartient à l’église maronite et qui ne se définissent pas comme Arabes, la majorité des chrétiens se perçoit comme arabe. Mais ils seront nombreux aussi à souligner leur appartenance à la religion chrétienne. De plus, ils se définissent comme des citoyens de l’Etat d’Israël, qui veulent s’intégrer dans la société israélienne. Ils sont d’ailleurs majoritairement opposés à la Loi sur l’Etat-nation.

Leur positionnement politique va plus vers les partis arabes israéliens ?

De manière générale, oui. On le voit d’ailleurs dans les résultats des différentes élections et les suffrages qu’obtiennent les partis arabes dans les localités arabes à population chrétienne. Dans deux villages exclusivement chrétiens, Hassuta et Meïlia, la Liste Arabe Unifiée a raflé la quasi-totalité des voix. Mais il reste encore un électorat pour le parti de gauche Meretz. Il ne faut pas oublier qu’historiquement les Arabes chrétiens s’identifiaient à la gauche et en particulier au parti communiste, dont ils étaient d’ailleurs une partie des fondateurs. Le parti H’adash en est une émanation. Il reste encore une représentation chrétienne au sein de la Liste Arabe Unifiée.

Il y a aussi un phénomène plus récent dont il faut parler, même s’il ne concerne pas les citoyens israéliens chrétiens. C’est celui des migrants et des travailleurs étrangers chrétiens en Israël. Ont-ils une influence sur le paysage chrétien local ?

Absolument. Leur influence est visible. Il y a parmi eux les travailleurs étrangers, mais aussi les demandeurs d’asile. Parmi ces migrants, certains sont en Israël depuis plusieurs années et comptent même déjà une deuxième génération d’enfants nés en Israël. C’est le cas par exemple des Philippins, des Africains et des Sri Lankais ou de ressortissants de pays de l’est européen. L’autre groupe est celui des réfugiés du sud-Soudan et d’Erythrée qui sont également des chrétiens. Mais leur présence dépend avant tout de la politique de l’Etat d’Israël. Il y a eu des périodes où ils ont été beaucoup plus nombreux. Depuis quelques années, les autorités d’immigration tentent d’en réduire le nombre. C’est donc un groupe instable. Mais on voit par exemple l’église catholique s’investir activement auprès de ces communautés. Elle est très présente à Tel Aviv, mais aussi à Jérusalem et essaie de s’occuper de ces populations. En particulier à Tel Aviv, c’est une communauté qui est devenue très active.

Dr. Amnon RAMON : chercheur au Jerusalem Institute for Policy Research. Spécialiste des communautés chrétiennes en Israël. Auteur de "Christianisme et chrétiens dans l'Etat juif", 2012 (hébreu).