Note sur l’implication politique du « Vivre ensemble »

Massacres des juifs à Barcelone en 1391 par Josep Segrelles

Qui récuserait de prime abord l’idée du « vivre ensemble »?  Ce « mot valise », dont l’origine est la « convivencia », c’est à dire la convivialité, est forgé pour emporter l’adhésion. Pour être précis, « vivre ensemble » se dissocie de la notion d' »être ensemble ». Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas seulement d’être côte à côte mais d’être inscrit dans un même cadre, accepté par tous. Être ensemble exige plus qu’une co-existence. C’est la modalité de l' »ensemble » qui pose problème. Pour prendre un exemple dans toute « institution totale » (prison, orphelinat…) on est ensemble mais sans nécessairement se voir et échanger. On est entassé dans un lieu.

Quel est ce lieu dont la mention est occultée dans la formule toute faite?

L’évidence montre que cette expression est employée uniquement pour désigner la coexistence avec l’islam et les musulmans telle qu’elle se présente à partir des années 2000 en France et dans l’Union Européenne. Des hommes politiques prônent alors cette idée comme si elle était interchangeable avec la laïcité. Ils vont en chercher l’origine et la preuve dans l’histoire de l’Espagne (pays européen) musulmane du Moyen âge, supposée « Espagne des trois religions ».

Il ne faut pas être naïf. Les hommes politiques qui agitent ce supposé modèle ont une connaissance floue de l’histoire. Ils ne savent pas déjà qu’il faut remonter plus haut pour savoir d’où vient ce modèle: dans les rapports entre l’UE et l’Organisation pour la coopération islamique promouvant son programme politique pour la co-existence avec l’islam en Europe, dénommé « Alliance des civilisations ». Il vise à imprimer en Europe une certaine image de l’islam, censée présenter ses plus beaux aspects de culture et de tolérance pour séduire les Européens et entériner en fait une sanctuarisation de cette religion, face aux exigences de l’être ensemble, qui la laisserait intacte de toute influence externe.
Elle se recommande d’un mythe, la Convivencia de l’Espagne dite « des trois religions », dont l’histoire objective est souvent dérangeante : l’Espagne était la terre d’un djihad qui voulait conquérir l’Europe et déjà la France . Les incursions et les razzias dans le nord de l’Espagne comme au-delà des Pyrénées étaient l’horizon de l’existence pour les non musulmans. Sous la domination d’une seule religion, les autres religions vivaient dans une sorte de ségrégation sous le règne dominant de la Sharia, y compris pour les esprits qui s’étaient frottés à la philosophie grecque. Les persécutions des Juifs et des chrétiens font partie du tableau. Il n’y a pas à évoquer que la persécution des Almohades, on peut rappeler un événement en général « oublié »: le massacre des 4000 Juifs de Grenade en 1066 et la mise à mort et la crucifixion du vizir Joseph HaNaguid[1].

Un modèle?

 

 

[1] Se rapporter à la revue Pardès, n°67 qui publie un dossier sur « le mythe andalou »

De Shmuel Trigano « Le mythe andalou en question » et « La « convivencia », de la modernité à la postmodernité ». De Bat Ye’Or, » Une société islamique « pluraliste et tolérante » : l’origine d’un mythe politique ». De Ephraïm Errera, « Le massacre de Grenade. L’âge d’or andalou assassiné par l’islam orthodoxe ». De Paul Fenton, « Les persécutions almohades, un modèle pour l’Inquisition catholique ? ».

 

Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.