Le djihad des Palestiniens

Ce que j’ai vu à la télévision israélienne avant hier et hier ne me quitte pas un instant. Jamais je n’aurais cru que je verrai un pogrom anti-juif se produire dans l’Etat d’Israël souverain, dans le pays créé par le sionisme. Jamais je n’aurais pensé être envahi d’une angoisse archaique, celle dont nous avons hérité de nos ancêtres dans les pays arabes, celle qui a étreint physiquement et moralement l’adolescent que j’étais en Algérie quand l’Etat français a abandonné un million de ses citoyens à la tourbe lyncheuse qui s’apprétait à les assailir, une menace si puissante et un abandon du pouvoir si grand que cette énorme population s’est volatilisée  en une quinzaine de jours, en une sorte de foudroyant nettoyage ethnique laissant derrière elle les cent vingt mille Harkis et des milliers de Français promis à une mort certaine, et dont le sort fut scellé rééllement au lendemain du jour fatidique de l’Indépendance…

En entendant en direct à la télévision les témoignages des habitants juifs de Lod, j’ai crû revivre ces deux jours funestes de fuite éperdue qui ont détruit ma vie d’avant. Des « petites » choses qui émanent des témoignages de Lod me plongent dans des souvenirs charnels : la voisine qui indique aux émeutiers, en quête de destruction, l’adresse de ses voisins juifs;  le voisin qui dit à une locataire juive que ce soir verra sa fin, autant de comportements vécus il y a 60 ans.

Dans toutes les villes de population mixtes de semblables scènes de violence anti juive se sont produites: Lod, en premier,Yafo,  Akko,  Haifa, Ramleh, Jerusalem et jusqu’au Negev où les Bédouins ont détruit un grand nombre de lampadaires sur une route d’accès à la ville d’Arad faisant obstacle à toute circulation sous une pluie de pierres.

A Lod les dégats sont considérables: un grand nombre de voitures, un musée, des magasins, le mobilier urbain ont été incendiés, autant de stations dans le parcours systématique de la ville par des groupuscules d’émeutiers en quête de Juifs à attaquer et de maisons à bruler. Des scène de fin des temps nous montrent  un quarteron de policiers exfiltrer des familles juives entières qui n’ont pu emporter de chez elles que le strict nécessaire, pour fuir avant d’être attaquées, voire tuées, laissant leur appartement à l’encan pour le retrouver saccagé à leur retour; scènes de Juifs emportant leur Sifre Torah pour qu’ils ne soient pas brûlés comme le sera leur synagogue.

Et pire que tout, la police qu’on appelle et qui ne répond pas et ne vient pas malgré les appels répétés. On a pu entendre en direct le poignant appel au secours du maire de Lod à la police, à l’armée. Sans réponse. Il n’y a rien de pire que ce sentiment d’abandon, cette exposition à une mort possible qu’on attend sans ne pouvoir rien faire. Ce sentiment ne m’a jamais quitté depuis l’exode d’Algérie. Et voir tout cela aujourd’hui ravive une expérience vécue dans ma chair.

 

C’est une guerre de religion qui se mène: trois synagogues, un  Beit midrach incendiés, le mufti de la mosquée encourageant les émeutiers à partir à l’assaut des Juifs, le cimetière juif de Ramleh incendié…. Les Juifs sont clairement attaqués au cri de guerre du djihad « Khyber O Juifs, l’armée de Mohamad est de retour », « Allah Akar », « Nous rédimerons la mosquée El Aqsa »…

Tout avait commencé quelques jours auparavant: des Juifs étaient agressés et battus par des Arabes: un rabbin à Jaffa, un jeune enfant ultra orthodoxe dans le tramway de Jerusalem (dont le film a fait le tour des réseaux sociaux ), des passants juifs agressés en se rendant au Mur dans le vieille ville,  sans raison, si ce n’est qu’ils avaient des signes les identifiant comme Juifs. Les gens qui ont vécu dans les pays arabes savent que  le Ramadan est un mois dangereux pour les non musulmans, durant lequel ils étaient souvent victimes de violences, sinon plus. Mais que la situation des pays arabes d’antan se reproduise dans l’Etat d’Israël, celà restait pour moi inimaginable. Si les drapeaux Palestiniens  de l’OLP flottaient parmi la foule lyncheuse des manifestants arabes israéliens, au moment même ou le pays dont ils sont les citoyens égaux, est attaqué par l’ennemi, le facteur djihadique de leur violence reste décisif. Tout est parti en effet de Jérusalem où le Hamas a voulu s’illustrer pour emporter l’adhésion des masses au moment même ou le chef de l’Autorité palestiniene (du Fatakh et pas du Hamas) annulait une énième fois les élections, en provoquant des émeutes et en faisant courrir le bruit que  « les Juifs profanent El Aqsa » ou « ils mettent le feu à El Aksa », « ils vont monter sur « l’esplanade des mosquées », autant de mensonges très classiques (qui ont toujours enflamé les émeutes à Jerusalem). Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’embrasement attisé par les autorités religieuses, le Mufti , les députés arabes de la Knesset,  les islamistes israéliens. Aucun appel au calme des instances musulmanes israéliennes, des députés des listes arabe et islamique, une attitude  qui montre bien de quel coté ces partis se tiennent derrière leurs discours trompeurs.

Que se passera-t-il ce soir?Il circule quantité d’armes illégales dans le secteur arabe. Mais   aussi à quoi ressemblera la société israélienne de demain?

La guerre pour Jérusalem a-t-elle commencé?

 

Publié dans Le Figaro Vox

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/violences-contre-des-juifs-en-israel-il-n-y-a-rien-de-pire-que-ce-sentiment-d-abandon-20210514

 

Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.