Les Bédouins du Néguev

Si les Bédouins israéliens sont aussi présents en Galilée, l’essentiel de leur communauté se trouve dans le sud d’Israël. C’est elle qui fera l’objet de cette étude. Présentation en quelques chiffres.

 

Les Bédouins

Les Bédouins sont le « peuple du désert ». Organisés en tribus longtemps nomades, même si une large partie s’est sédentarisée, ils sont arabes. On les trouve du Maghreb à l’Irak, en passant par la Péninsule arabique – dont ils sont originaires –  et le Levant. Au Proche-Orient, ils sont présents en Arabie Saoudite, en Egypte (principalement dans le Sinaï), en Syrie, en Jordanie, dans les Territoires palestiniens et en Israël. Ils sont divisés en clans ou en tribus, qui constituent leur définition principale, y compris depuis leur sédentarisation. Les mêmes tribus peuvent d’ailleurs être présentes dans plusieurs pays. Les Bédouins sont musulmans et arabophones.

Démographie

La population bédouine israélienne entre dans la catégorie de la population arabe musulmane. Elle se situe dans le nord et le sud du pays. 55.300 Bédouins vivent dans le nord d’Israël, où ils résident dans des agglomérations à population uniquement bédouine ou à population mixte (arabe ou juive), comme Shfaram ou Maalot-Tachh’isha.

C’est donc dans la région du Néguev, dans le sud d’Israël, que la population bédouine est la plus importante. Elle comptait en 2019 plus de 260.000 personnes, des chiffres qui varient toutefois selon les sources.

Bureau Central des Statistiques : 268.700

Direction de l’Immigration et de la Population : 262.803

Il est en effet difficile d’obtenir des données précises. Le Bureau Central des Statistiques extrapole à partir de son dernier recensement de 2008 et prend également en compte les citoyens israéliens musulmans résidant dans la ville de Beer Sheva. Les chiffres de la Direction de l’Immigration et de la Population se fondent sur les registres de l’état-civil en fonction de l’appartenance familiale. Ces différentes données ne se recoupent pas rigoureusement. C’est aussi la conséquence d’une présence importante de la population bédouine dans des localités non reconnues, qui fait l’objet d’un article distinct dans ce dossier.

Le taux de croissance annuel de la population bédouine est de 3%, le plus important de la population israélienne.

La population bédouine du Néguev est particulièrement jeune. Environ 53% ont moins de 18 ans, tandis que les plus de 65 ans ne représentent que 2%. C’est la plus jeune de toutes les catégories qui composent la population israélienne.

C’est donc aussi celle qui a le rapport de dépendance le plus élevé (entre personnes à charge et fournisseurs de revenus au sein du foyer) : 1.521 contre 921 pour la moyenne de la population israélienne. Il n’est supérieur que dans quelques localités à population juive orthodoxe.

Répartition géographique

La répartition géographique des Bédouins du Néguev se divise en trois catégories : les collectivités locales, les villages reconnus et les points de peuplement non reconnus.

 

Collectivités locales : elles comportent une seule ville : Rahat et six conseils locaux : Houra, Cusseyfa, Lakyia, Arara Baneguev, Seguev Shalom et Tel Sheva.

Villages reconnus : ils sont au nombre de onze et situés dans deux conseils régionaux : Al Kassoum et Neveh Midbar.

Points de peuplement non reconnus : ils regroupent ce que l’on appelle la « diaspora bédouine ».

En septembre 2019, (source : Direction de l’Immigration et de la Population) la ville de Rahat comptait 66.612 habitants, et les six autres localités principales regroupaient au total 99.757 habitants.

Les deux conseils régionaux représentaient 20.419 habitants.

L’ensemble des tribus – dans les points de peuplement non reconnus – représentait 79.604 personnes.

 

Données économiques

La population bédouine du Néguev est l’une des plus pauvres du pays.

Le salaire moyen y est inférieur au salaire minimum : 5.200 shékels pour les femmes, 7.700 shékels pour les hommes. Près de 57% de la population active est sous le salaire minimum, alors que la moyenne nationale est de 39%. (Source : Bureau Central des Statistiques).

Le taux de chômage est supérieur à 18% et peut monter à plus de 30% dans certaines localités,  alors que le taux national se situe autour de 5%.

En théorie, les Bédouins du Néguev sont moins nombreux que la moyenne nationale à recevoir des allocations diverses, à l’exception des allocations familiales. Mais les institutions reconnaissent la difficulté à chiffrer précisément le nombre des bénéficiaires, compte tenu de leur organisation sociale et leur localisation géographique. En 2018, 5,17% de la population bédouine du Néguev a bénéficié de l’allocation pour les familles de plus de 4 enfants, contre seulement 2,32% de l’ensemble de la population israélienne.

Selon le Bureau Central des Statistiques, les Bédouins sont 21% à bénéficier de l’allocation de revenu minimum, contre 4% pour la moyenne nationale. Mais là encore, ces chiffres ne prennent en compte que les habitants des localités reconnues.

Sur l’échelle socio-économique, la population bédouine du Néguev occupe le rang le plus bas des 255 communes référencées par le Bureau Central des Statistiques. La totalité des neuf localités bédouines enregistrées se trouve aux dernières places, avec toutefois les deux localités juives ultra-orthodoxes de Beitar Ilit et Modiin Ilit (7e et 10e avant la fin).

La polygamie

Le code pénal israélien interdit et sanctionne la polygamie. En revanche, le droit musulman la permet dans des cas particuliers et à la condition que le mari pourvoie aux besoins matériels et affectifs de chacune de ses épouses et de chacun de ses enfants à égalité. La charia autorise la polygamie si la femme est stérile ou n’est plus en âge d’enfanter, n’a donné naissance qu’à des filles, souffre d’une maladie physiologique ou psychique, ou ne peut satisfaire sexuellement son mari. L’homme peut aussi justifier une union supplémentaire en déclarant qu’il souhaite plus d’enfants.

La polygamie est un phénomène toujours présent dans la société bédouine du Néguev et s’étend même aux foyers jeunes et de niveau socio-éducatif plus élevé. Selon les estimations des services sociaux, en 2017, environ 30% des foyers bédouins étaient polygames. S’il s’agit d’évaluations, c’est qu’un premier mariage peut être déclaré, mais que l’homme peut prendre ensuite une ou plusieurs autres femmes dans son foyer, sans en faire état aux autorités compétentes, ou parce que certains ont aussi recours à la pratique des divorces fictifs. Ce qui a l’avantage de donner droit à des allocations supplémentaires pour la femme divorcée, mais qui reste dans le foyer.

Indépendamment des considérations culturelles, les services sociaux israéliens constatent des effets négatifs de la polygamie sur la cellule familiale, notamment de traitement négligent des enfants, de violences sur les femmes, et de paupérisation, le plus souvent pour la première épouse et ses enfants.

En 2013, 361 hommes musulmans étaient enregistrés comme polygames à l’état-civil israélien. En 2012, 968 femmes musulmanes, enregistrées comme « épouse supplémentaire de foyer élargi » ont reçu de la Caisse d’Assurance Nationale une allocation de revenu minimum. La disparité entre ces chiffres illustre la difficulté des autorités à produire un tableau précis de la situation réelle.

Toujours en 2012, 9,7% des femmes bédouines ayant bénéficié d’une allocation naissance étaient enregistrées comme « célibataires », alors que la société bédouine y est traditionnellement opposée. Il peut s’agir soit d’épouses non déclarées, soit de femmes abandonnées ou répudiées après avoir été mises enceintes. Ce qui ajoute encore à la précarité des femmes de la communauté bédouine.

 

 

 

 

 

Pascale ZONSZAIN, journaliste. Couvre l’actualité d’Israël et du Proche-Orient pour les médias de langue française. Auteur de nombreux reportages et enquêtes sur les sociétés israélienne et palestinienne.