L’idéologie islamogauchiste

Qu’entend-t-on par idéologie islamo-gauchiste? Le terme d’idéologie désigne un système biaisé mais formellement « cohérent » de représentations, attaché à une position dans la société. En l’occurrence il s’agit de représentations qui croisent l’islam et les musulmans avec des professions de foi gauchistes ou « progressistes », on pourrait rajouter « wokistes », « décoloniales », en somme, pour ce qui est du gauchisme,  un courant politique libertaire, frôlant l’anarchisme et s’inscrivant en faux contre tout ordre établi.
Il est  cependant sous l’effet d’une contradiction interne dans la mesure où il croise des croyances réputées de « gauche » avec la défense et illustration, en France d’un phénomène communautariste, et sur la scène internationale d’un nationalisme djhadique des plus retardataires sur le plan politique: le palestinisme. Il identifie en effet dans ce dernier son « avant-garde » messianique en lui attribuant le rôle que jouait dans le communisme d’antan, le prolétariat, la classe universelle qui sauverait l’humanité. Ce qui compte dans le nouvel élu, la « Palestine » c’est qu’elle est arabe et donc censée être la victime du colonialisme occidental abhorré, ce qui cadre bien avec le wokisme et le décolonialisme. La Palestine devient l’étendard de toutes les luttes. J’ai ainsi vu sur la place de la République un drapeau palestinien arboré dans une manifestation en faveur des handicapés. En France, la communauté musulmane est censée porter les stigmates de la discrimination et du racisme de la droite, la marque de l’ex-colonialisme français. Son innocence de principe comme pour la Palestine messianique est acquise comme une évidence. Tout débat est interdit, aussitôt délégitimé comme relevant d’un mythique « fascisme ».

 

Cet état de faits ne surgit pas du néant mais de l’histoire des années 1950-1980 quand l’URSS stalinienne avait construit un front tiermondiste mondial contre le monde libre, réputé être l’Occident colonialiste. Bien évidemment le sionisme était déjà vilipendé de sorte que les islamogauchistes d’aujourd’hui démontrent qu’ils sont bien restés des staliniens. Leur combat est contre la démocratie libérale, l’Occident.

 

Le paradoxe tient à ce que l’islamogauchisme a adopté la cause palestinienne comme une cause de la gauche, c’est à dire en récusant les idées fondamentales de la gauche sur la laïcité, les lumières, le rejet du nationalisme, de l’intégrisme, aujourd’hui de l’islamisme qui ne mène aucun combat pour la liberté mais pour imposer la loi du Djihad à l’Occident.

Les islamogauchistes sentent bien la contradiction sauf les Marie Chantal du XVI° arrondissement qui se piquent de militantisme. C’est pourquoi ils tentent de cacher cette tache sous un discours d’accusation et de délégitimation de l’Etat d’Israël qui force le trait pour le rendre monstrueux et odieux. A l’instar des staliniens d’hier il s’agit toujours de l’accusation de domination, de racisme, de ségrégation, des jugements bien trop vite prononcés car ils pourraient convenir pour décrire bien des Etats arabes d’après la décolonisation et combien d’autres, ce sur quoi les islamogauchistes restent silencieux…

 

Cette posture idéologique retentit sur deux situations : en France et en Israël. En France, il favorise la montée des activistes de l’islam sur la scène politique française et la politisation de la cause islamique qui porte bien plus loin que le sort de l’Etat d’Israël et qui concerne en premier la scène française (cf. la menace que fait peser le mouvement des  » Frères Musulmans »). En faisant de l’islam un intouchable de la vie politique française, elle occulte le principal problème auquel la France est confrontée, et donc, parmi ses conséquences, brouille l’image et le sort des Juifs de France, principales victimes de l’islamisme en France comme tous les faits et les sondages le rapportent… A cela il faut ajouter un facteur aggravant : le glissement de la haine d’Israël à la haine des Juifs, assimilés aux Israéliens dans la vision des choses palestinienne mais aussi en France où ils sont tenus pour s’identifier à Israël et à sa cause. Ce sont bien des Juifs que les terroristes du Djihad universel ont frappé en France et pas des Israéliens.

 

Mais l’opération symbolique à laquelle se livre l’islamogauchisme est bien plus profonde. La Palestine messianique est construite comme un substitut du peuple juif et de son histoire : la Nakba simule la Shoah, alors qu’elle est le résultat de l’échec d’une guerre d’extermination d’Israël et des Juifs, lancée par les Etats arabes et leur supplétif palestinien. On met en question l’antériorité de l’histoire juive dans la « Palestine », on transpose les caractéristiques du peuple juif sur la silhouette palestinienne. Il ne faut pas oublier que cette opération de transfiguration a une histoire très détaillée, celle qui transforma Arafat, égyptien et non palestinien d’origine, en chef guérillero d’une lutte nationale pour la libération, là où il ;’y avait pas de « peuple » et fit de l’OLP un mouvement révolutionnaire luttant pour établir une Palestine « laïque et démocratique », un mythe destiné » aux « idiots utiles » de la gauche occidentale, une opération initiée et menée par le KGB de Ceaucescou comme le révéla l’espion soviétique passé à l’ouest, Ion Mihai Pacepa.

Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.