Le KGB et l’invention du « peuple palestinien »

L’Association France-Palestine, fondée en 1926 pour défendre les “droits imprescriptibles de la nation juive sur son Foyer National”, réunissait des personnalités politiques aussi prestigieuses que Paul Painlevé, Raymond Poincaré ou Aristide Briand. En 1948, elle devient l’Association France-Israël. Ce changement de nom illustre une réalité historique que beaucoup ignorent aujourd’hui : pendant des décennies, les « Palestiniens » étaient les Juifs et la cause palestinienne était la cause sioniste !

L’émergence du nationalisme arabe palestinien est étroitement liée aux trois grands totalitarismes du vingtième siècle : le mouvement islamiste des Frères musulmans (qui ont exploité la cause de la Palestine arabe avec l’aide du père fondateur du mouvement national palestinien, le grand mufti Amin al-Husseini) ; l’Allemagne nazie, qui s’est servie du nationalisme arabe pour combattre ses deux ennemis irréductibles, l’Angleterre et les Juifs ; et enfin l’URSS et ses satellites.

C’est toutefois cette dernière qui a joué un rôle décisif pour promouvoir la cause palestinienne et transformer l’OLP, organisation relativement marginale dirigée par Ahmed Choukairy, en représentant « légitime » du peuple palestinien sur la scène internationale. Comme le relate Ion Pacepa, ancien conseiller de Ceaucescu qui fit défection en 1978, c’est en effet le KGB qui fut à l’origine de la création de l’OLP et du personnage même de Yasser Arafat…

Dans son livre The Kremlin Legacy*, Pacepa raconte ainsi qu’un jour de 1964, “nous avons été convoqués à une réunion conjointe du KGB, à Moscou. Il s’agissait de redéfinir la lutte contre Israël, considéré comme un allié de l’Occident”. La guerre arabe pour la destruction d’Israël n’était pas susceptible d’attirer beaucoup de soutiens dans les “mouvements pour la paix”, satellites de l’Union Soviétique. Il fallait la redéfinir. L’époque était aux luttes de libération nationale. Il fut décidé que ce serait une lutte de libération nationale : celle du “peuple palestinien”.

L’organisation s’appellerait OLP : Organisation de Libération de la Palestine. Des membres des services syriens et des services égyptiens participaient. Les Syriens ont proposé leur homme pour en prendre la tête, Ahmed Choukairy, et il fut choisi. Les Egyptiens avaient leur candidat : Yasser Arafat. Quand il apparut que Choukairy ne faisait pas l’affaire, il fut décidé de le remplacer par Arafat, et, explique Pacepa, celui-ci fut”façonné” : costume de Che Guevara moyen-oriental, barbe de trois jours de baroudeur… “Il fallait séduire nos militants et nos relais en Europe !”.

La suite de l’histoire est bien connue : Arafat a été érigé en véritable homme d’Etat, et la communauté internationale a soutenu ses efforts incessants, le sauvant plusieurs fois et lui permettant de remporter des victoires diplomatiques qui ont abouti à la situation actuelle. Cinquante ans après la création de l’OLP, plus personne ne se souvient aujourd’hui que les  “Palestiniens” étaient jadis les Juifs…

Pierre Lurçat

* Cité par David Horowitz, Comment le peuple palestinien fut inventé, éd. D. Reinharc, 2011.

Avocat et écrivain. Traducteur de l’autobiographie de Jabotinsky en français. A publié plusieurs essais sur l’islam radical et sur Israël, parmi lesquels : Israël, le rêve inachevé (éditions Max Chaleil 2018), La trahison des clercs d’Israël (La Maison d’édition 2016), Le Sabre et le Coran, Tariq Ramadan et les frères musulmans à la conquête de l’Europe (éditions du Rocher 2008). Son dernier livre, Seuls dans l'Arche? Israël laboratoire du monde, vient de paraître.