Les acteurs de la contestation

Petits mouvements spontanés apparus sur les réseaux sociaux, organismes existants qui ont rejoint la contestation et organisations plus concentrées sur les revendications professionnelles et socio-économiques, inventaire non exhaustif des principaux acteurs de la protestation israélienne 2020.

 

La structuration horizontale de cette contestation se traduit par une multitude d’organismes, dont certains ont acquis une visibilité nationale et auxquels se sont joints au fil des semaines des organisations existantes, qui ont apporté leurs moyens et leur expérience, ainsi que leur agenda spécifique.

Les petits mouvements en première ligne

Crime Minister : émanation de l’association H’ozeh H’adash, Nouveau Contrat, une organisation d’extrême-gauche, elle-même issue de la contestation de 2011. Réclame la démission de Benyamin Netanyahou de la tête de l’exécutif. Mot d’ordre : « combattre la corruption du pouvoir, protéger la démocratie ». Avait débuté son action en 2017 par des manifestations contre le Conseiller Juridique du Gouvernement pour réclamer la mise en examen du Premier ministre. Depuis son inculpation, le groupe exige sa démission du pouvoir.

Hadegalim Hash’horimLes Drapeaux Noirs : créé en mars 2020 par deux frères et une sœur de la famille Schwartzman. Mot d’ordre : « protéger la démocratie ». Encourage ses partisans à pendre des drapeaux noirs à leur fenêtre ou à les brandir lors des manifestations avec des drapeaux d’Israël. Appellent à la démission de Benyamin Netanyahou.

Ein Matsav – Pas possible : créé par Amir Haskel, ancien colonel de l’aviation israélienne. Réclame la démission de Benyamin Netanyahou, dont la mise en examen le disqualifie comme chef de gouvernement. Entamé comme une protestation individuelle, son mouvement a pris de l’ampleur après son interpellation fin juin, alors qu’il tenait une veille statique près de la résidence du Premier ministre.

Hah’azit Havruda – Le Front Rose : mouvement essentiellement composé de jeunes comédiens et de techniciens du spectacle qui se sont retrouvés au chômage à cause de l’épidémie. Ses revendications reprennent les appels à la démission du Premier ministre et y ajoutent des appels à la réforme politique et à la justice sociale. Utilise la couleur rose comme signe de ralliement.

Kumi Israël – Lève-toi Israël mouvement créé par Costa Black, pseudonyme d’un immigré d’Ukraine, grandi en périphérie et de son aveu ancien électeur Likoud. Suivi principalement par les jeunes. Réclame le départ de Netanyahou et un renouvellement de l’ensemble du système politique.

Habalbatimles propriétaires (ou les « boss ») : créé par l’acteur et activiste politique Yaniv Segal. Réclame la défense de la culture comme valeur fondamentale d’une société démocratique. Organise des installations et des performances artistiques lors des manifestations, dont les participants se distinguent par le port de bandanas roses.

Les organisations en soutien

Des ONG et associations israéliennes ont également commencé à suivre le train de la contestation populaire.

Darkenu – Notre voie : organisation issue de la fusion de V15 et One Voice, deux organismes qui avaient initié et financé une campagne contre la réélection de Benyamin Netanyahou aux législatives de 2015. Se définit comme la « voix de la majorité modérée ». Soutient différents mouvements et campagnes pour le processus de paix israélo-palestinien et s’est engagé depuis le printemps dans le soutien aux groupes de la contestation Balfour. Après la réussite d’une manifestation virtuelle qui a réuni 100.000 participants en mars, Darkenu a également lancé sa chaine de télévision sur internet, DemocraTV, dirigée par la journaliste Lucy Aharish.

ACRI – Association pour les Droits Civiques en Israël : plus ancienne association des droits de l’homme en Israël. Dans le cadre de son activité, publie des tutoriels destinés aux manifestants et aux organisateurs de rassemblements, pour leur faire connaitre leurs droits, notamment en cas d’interpellation. Documente les cas de violences policières.

HaTenuah Leih’ut Hashilton – Le Mouvement pour la Qualité de la Gouvernance : association fondée en 1992, qui milite contre la corruption dans les institutions publiques. Organise des campagnes publiques et se pourvoit régulièrement devant la Cour Suprême israélienne pour obtenir l’invalidation de textes de lois ou de décisions gouvernementales qu’il considère contraires à la démocratie. A l’initiative de plusieurs rassemblements pour réclamer une enquête indépendante dans l’affaire du marché des sous-marins et pour la démission du Premier ministre.

Ah’arayout Leumit – Responsabilité Nationale : association fondée par l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak. Avait financé en mars 2020 une des premières manifestations des Drapeaux Noirs. La chaine 13 de la télévision israélienne avait alors produit un reçu de 25.000 shékels pour de l’achat de matériel et affirmé que l’association avait donné un total de 100.000 shékels (environ 25.000 €). Questionné à plusieurs reprises par les médias, Ehud Barak assure qu’il soutient le mouvement de contestation et qu’il encourage ses relations et connaissances à faire des dons pour son financement.

Les mouvements sectoriels et socio-professionnels

Premiers à descendre dans la rue, ils restent pourtant relativement en retrait des grandes manifestations, préférant suivre leur propre ordre du jour, lié spécifiquement aux répercussions économiques de la crise du Covid, avec des revendications concrètes.

Ani Shulman – Je suis Shulman : association créée en 2019 pour la défense des droits des travailleurs indépendants. Sa page Facebook compte plus de 200.000 adhérents. Son principal porte-parole, Abir Kara fait régulièrement l’objet de polémiques par ceux qui l’accusent d’être favorable à Netanyahou. Mouvement populaire autonome suivi principalement par les artisans et petits commerçants.

Comité de lutte des travailleurs indépendants et des commerçants : mouvement constitué autour de l’organisation LAHAV, la Chambre des petites entreprises et professions libérales en Israël, présidée par l’avocat Roee Cohen. Regroupe aujourd’hui presque toutes les organisations du secteur privé, à l’exception des industriels. Réclame une réforme des droits sociaux des indépendants et professions libérales et des mesures immédiates d’indemnisation pour les entreprises et professionnels dont l’activité a été directement impactée par la crise sanitaire.

Contestation fiscale : mouvement créé par Maoz Yinon, propriétaire d’une chaine d’auberges de jeunesse. Réclame la suspension de tous les prélèvements d’impôts pour les entreprises jusqu’à la reprise normale de l’activité économique.

D’autres mouvements sectoriels ou professionnels sont également présents pour revendiquer ponctuellement la défense de leurs droits ou l’obtention de subventions publiques de soutien, comme les organisations de handicapés, les infirmières et travailleurs sociaux, ou les mouvements de jeunesse et les organisations étudiantes.

 

 

Pascale ZONSZAIN, journaliste. Couvre l’actualité d’Israël et du Proche-Orient pour les médias de langue française. Auteur de nombreux reportages et enquêtes sur les sociétés israélienne et palestinienne.