Une brève histoire de la contestation israélienne

Israël a déjà connu des campagnes de contestation et des grandes manifestations. Quelques points de repère.

 

L’émeute de la Knesset contre les réparations allemandes

En 1952, Israël signe avec la République Fédérale d’Allemagne l’accord de Luxembourg, par lequel l’Allemagne s’engage à verser à Israël des indemnisations pour les victimes juives du régime nazi et la spoliation et destruction de leurs biens et pour participer au coût pour Israël de l’absorption des rescapés de la Shoah. Cet accord déclenche en Israël une violente opposition, de la droite comme de la gauche, où l’on y voit une façon pour les Allemands de se dédouaner de leurs crimes envers les Juifs. Le jour du débat à la Knesset, 15.000 personnes se rassemblent autour du siège du parlement israélien. Il faudra plusieurs heures à la police pour disperser les émeutiers après de violents affrontements. L’accord sera finalement approuvé par la majorité des députés.

Motti Ashkenazi, le manifestant solitaire

Capitaine de réserve pendant la guerre de Kippour d’octobre 1973, Motti Ashkenazi combat sur le Canal de Suez. En février 1974, il décide d’entreprendre une campagne de protestation pour réclamer la démission du ministre de la Défense Moshe Dayan, qu’il accuse d’être responsable de la gestion désastreuse de la guerre qui a fait plus de trois mille victimes israéliennes. Il s’installe seul devant le bureau du Premier ministre Golda Meir. Les travaux de la commission Agranat sur le déroulement de la guerre ont déjà commencé, mais l’action d’Ashkenazi gagne rapidement en influence dans le public israélien et des manifestants le rejoignent. Deux mois plus tard, Golda Meir démissionne.

Les Panthères Noires

Inspiré par la contestation afro-américaine des Panthères Noires, le mouvement est fondé à Jérusalem en 1971 par de jeunes Israéliens, deuxième génération de l’alyah des pays musulmans et en particulier du Maroc, pour protester contre leur discrimination par la société et les institutions israéliennes. Ils organisent plusieurs manifestations et se présentent même sans succès aux législatives de 1973. Leur action a contribué à une prise de conscience publique de la situation des Juifs orientaux en Israël.

Contre la guerre du Liban

Le 25 septembre 1982, le mouvement La Paix Maintenant appelle à un rassemblement sur la place des Rois d’Israël (devenue la place Rabin) à Tel Aviv, pour réclamer le retrait de Tsahal du Liban et la démission de Menahem Begin et de son ministre de la Défense Ariel Sharon, à la suite du massacre des camps de Sabra et Chatila par les milices chrétiennes libanaises. On l’appellera la « manifestation des 400.000 ». Deux mois plus tard, une commission d’enquête officielle est nommée qui établira qu’Israël n’était pas impliqué directement dans le massacre, mais recommandera le limogeage d’Ariel Sharon.

Pour et contre Oslo

La signature des accords de reconnaissance entre Israël et l’OLP en 1993 suscite en Israël de vives tensions publiques. Durant près de deux ans, des rassemblements favorables et opposés au processus de paix israélo-palestinien se multiplient, principalement à Tel Aviv et à Jérusalem et rassemblent des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes, dans un climat de plus en plus tendu. C’est à l’issue d’un rassemblement pour la paix, organisé le soir du 4 novembre 1995 sur la place des Rois d’Israël à Tel Aviv, que le Premier ministre Itzhak Rabin est assassiné par l’activiste d’extrême-droite Yigal Amir.

Les Ethiopiens

Depuis 1996, les Israéliens immigrants d’Ethiopie ont organisé plusieurs manifestations et mouvements de contestation pour dénoncer la discrimination et le racisme dont ils font l’objet dans la société israélienne et contre les violences policières contre les jeunes de leur communauté. La dernière campagne remonte à l’été 2019 après la mort du jeune Salomon Teka, tué par le tir d’un policier. (Voir le dossier Menora.info sur les Juifs d’Ethiopie).

La contestation sociale de l’été 2011

L’année avait commencé par quelques campagnes de protestation sur internet contre le coût de la vie et notamment un appel au boycott du fromage de cottage, relayé par plus de 100.000 internautes. Au début de l’été, c’est la jeune Daphne Leef et quelques étudiants qui installent un campement sur l’avenue Rothschild à Tel Aviv pour dénoncer les prix des loyers, qui empêchent les jeunes de trouver un logement. Le mouvement prend rapidement de l’ampleur, l’avenue Rothschild se transforme en camping, mais surtout le débat sur le coût de la vie devient général. Tout au long de l’été, les manifestations se multiplient dans de nombreuses localités. Avec le slogan : « le peuple réclame la justice sociale », la campagne mobilisera des dizaines de milliers de personnes, tant sur les réseaux sociaux que dans la rue. Tous les rassemblements sont restés pacifiques et apolitiques. Quelques mois plus tard, le gouvernement nomme la commission Trachtenberg pour définir un programme visant à réduire le coût de la vie et faciliter l’accès au logement. Certaines recommandations ont été appliquées.

Pascale ZONSZAIN, journaliste. Couvre l’actualité d’Israël et du Proche-Orient pour les médias de langue française. Auteur de nombreux reportages et enquêtes sur les sociétés israélienne et palestinienne.